La vie domestique et familiale


Le rôle des parents et grands-parents

C’est ma grand-mère qui s’occupait de nous car mes parents travaillaient tous les deux. Mon père était maçon à Bègles. Maman a débuté à Bordeaux chez Tachon dans une usine de chaussures, puis elle est entrée au grand hôtel de la gare Saint-Jean à Bordeaux comme femme de chambre.
Ma grand-mère, originaire de Sore, dans les Landes, s’appelait Rosine et ma mère Nadie. Ce n’étaient pas des prénoms courants. Ma grand-mère est devenue veuve quand ma mère avait neuf ans. Elle s’est placée chez un vétérinaire, avec la fille duquel ma mère a été élevée. Grâce à cela, maman a eu une bonne instruction.
Ma grand-mère faisait le potager, le jardin, les fleurs. Mes parents rentraient tous les jours à la maison.
Ma grand-mère m’a appris à faire la cuisine. Petite, je regardais ma grand-mère cuisiner. Ma mère, non, car elle n’avait pas le temps. J’avais douze ans quand j’ai appris à faire ma première blanquette de veau. Quand on l’a mangée, ma grand-mère m’a tapé sur l’épaule et m’a dit « Ma chérie, je suis très contente de toi, tu seras une bonne cuisinière. » J’ai beaucoup aimé cuisiner, j’ai beaucoup cuisiné. J’avais un mari qui était gourmet, il vaut mieux un gourmand, je vous assure. (Annie Réglat)


Les aides : bonnes, femmes de ménage…

Ma femme est devenue ma secrétaire médicale après notre mariage en 1949. À la maison, heureusement, elle avait quelqu’un pour l’aider, une petite bonne qui habitait chez nous. Elle était de Fargues-sur-Ourbise et de très grands amis, chez qui nous allions tous les dimanches, nous l’avaient recommandée. (René Picot)

Lorsque j’ai pris mon poste d’enseignante à Bègles en 1955, ma fille allait à l’école maternelle Boileau, mon second garçon entrait en sixième et mon premier garçon en troisième au lycée Montaigne. Les garçons prenaient le bus pour se rendre à Bordeaux ; c’est mon mari qui leur avait appris le trajet. De mon côté, j’allais à l’école Gambetta à vélomoteur et mon époux se déplaçait avec une voiture traction avant. Je mettais ma fille sur mon porte-bagage.
Je ne me chargeais pas entièrement des tâches domestiques. J’ai toujours eu des femmes de ménage. Ma plus proche voisine a été pendant longtemps ma femme de ménage. Elle était très contente et moi aussi. Je n’étais pas du genre à dire « Oh, elle a oublié d’essuyer ceci ou cela. » mais il fallait que ce soit en ordre. Elle faisait le gros comme elle voulait et moi j’étais heureuse de ne pas avoir à m’en occuper. Elle venait deux heures le matin ranger la cuisine et faire les chambres. Je ne m’en occupais pas du tout. Elle me faisait également le repassage. Pour la lessive, j’avais une laveuse à laquelle je portais mon linge. Elle habitait à cinq cents mètres de chez moi et on me l’avait recommandée. Elle m’a lavé le linge pendant des années. (Madeleine Pinaud)


Travail et maternité

Je me suis mariée quand il y a eu l’incendie dans les Landes, en 1949 je crois. C’était après la guerre. Mon frère et mon futur mari étaient grands copains et s’étaient engagés tous les deux, mon frère dans la flotte à Toulon et mon mari dans l’armée du maréchal de Lattre de Tassigny. Quand mon futur mari est rentré de la guerre, il ne m’a pas reconnue. On s’est mariés à la mairie de Bègles, vite fait. Il ne fallait pas parler d’église, de communion, ni de rien avec mon père. Moi j’aurais bien aimé, ma mère aussi, mais ça n’était pas possible.
J’ai travaillé enceinte à la sécherie de morue, jusqu’au bout. Je vomissais beaucoup le matin. C’est mon beau-père qui en était le contremaître à cette époque-là, c’était très dur : « Allez, au champ. » me disait-il. Ils appelaient le séchoir, « le champ ». J’ai accouché chez moi avec une sage-femme qui habitait rue Pierre Curie. Elle m’a dit « C’est un garçon. », quel bonheur pour mon mari. Je ne pouvais pas rester allongée, il y avait trop à faire. J’ai eu un congé maternel mais il a vite été terminé. Une fois que j’ai repris le travail, je ne me rappelle plus comment je me suis débrouillée pour travailler avec mon fils. Il a eu de l’instruction, lui. Il voulait être couturier. Il aimait la couture, le canevas, le tricot, mais il est finalement allé chez Pigier et est devenu comptable. Contrairement à mon père, il était très pieux et a voué une grande partie de sa vie à la Vierge Marie. (Renée Castre)

Bien qu’inscrite à Bagatelle, j’ai accouché chez moi car le mois qui a précédé mon accouchement, un enfant avait été changé pour un autre et je n’ai pas souhaité y accoucher. J’ai eu une grossesse charmante, avec un congé de maternité de trois mois, un mois avant l’accouchement et deux mois après. Ma mère s’est ensuite occupée de mon fils pendant que je travaillais. Nos maisons étaient attenantes cours Victor Hugo. (Simone Malherbe).

Après l'école


Les petits boulots

Papa ne me demandait jamais rien. Il n’était pas sévère du tout. C’est surtout ma grand-mère qui commandait. Je partais le matin, je faisais mon lit et quand je rentrais de l’école, je devais faire les lits de mes frères et passer un coup de balai dans leur chambre. J’étais la seule fille de la famille et j’étais l’aînée.
Mes frères avaient le droit d’aller au cinéma le jeudi mais moi, comme j’écrivais très mal, j’étais punie presque tous les jeudis. Je devais faire des lignes d’écriture. Je pouvais protester mais il fallait mettre des gants.
C’est moi qui faisais les courses. Mon frère Alain me demandait souvent de lui acheter des gâteaux et nous allions les manger en cachette à la cave. On allait faire les courses tous les jours car il n’y avait pas de frigo avant la guerre.
J’aidais ma grand-mère à faire la lessive. C’était fatigant. On mettait le linge dans un grand bail en fer. On le faisait chauffer dehors sur le feu avec un trépied, on le faisait bouillir puis on le rinçait avec l’eau du puits. Comme nous étions six à la maison, on faisait le linge toutes les semaines. Moi, j’arrivais quand c’était en train : je tirais l’eau surtout. (Annie Réglat)

Quand j’ai commencé à être grande, ma mère exigeait que je fasse tous les jeudis le ménage d’une pièce à fond. J’étais fille unique avec des parents assez âgés, ma mère était née en 1885 et m’a eue à trente-cinq ans. Parmi mes camarades de classe, il y avait beaucoup d’enfants uniques. C’est la génération de parents où ils étaient cinq ou six par famille dont beaucoup ont été décimés pendant la guerre de 1914. Ça les avait traumatisés et beaucoup ont choisi de n’avoir qu’un seul enfant, comme mes parents. (Simone Malherbe)


Les jeux

Lorsque j’étais enfant, j’allais jouer au cerf-volant avec mes amis du Prêche sur l’actuel stade Duhourquet. On appelait ça le Pré de la Prolétarienne car c’est là que la Prolétarienne Sportive Béglaise avait installé son terrain de basket. (Louis Delmas)



La musique

On avait un petit poste de radio à boutons car maman adorait la musique et chantait beaucoup. Elle était soprano alto. On a tous fait de la musique. J’ai commencé le solfège vers l’âge de dix ans, en 1930, et j’ai appris le violon jusqu’à seize ou dix-sept ans. Je souhaitais jouer du piano mais ma mère n’a pas voulu parce que ça prenait trop de place et que c’était très cher. Alors j’ai étudié le violon. Mon frère Guy, qui avait deux ans de moins que moi, a appris le piston, et mon frère Alain, le saxo. C’est lui qui en a fait le plus. J’ai bien aimé le violon, c’est difficile. J’ai eu pas mal de coups d’archet sur les doigts.
Mon premier professeur de musique était installé à côté de la barrière de Bègles, boulevard Albert 1er, mais il a été réquisitionné par les Allemands. Je suis donc allée chez un autre professeur particulier, boulevard Jean-Jacques Bosc. Mais lui aussi a été réquisitionné si bien que je n’avais plus de professeur. Comme j’étais déjà en activité professionnelle, je n’ai pas voulu reprendre le violon. Ma mère a revendu l’instrument là où elle l’avait acheté. (Annie Réglat)

La Biscuiterie L'Alsacienne

Textes et documents à venir.

Le rugby



Mon fils Patrice jouait au rugby au CAB. J’ai été dirigeant à l’école de rugby de Bègles pendant six ans au début des années quatre-vingts. Quand celui qui s’occupait du club est mort, on m’a proposé de le remplacer, car je l’avais aidé plusieurs fois pour faire les licences. Je m’occupais de la partie administrative et Séailles de la partie technique. Je ne souhaitais pas prendre sa place car je ne savais pas jouer au rugby. Finalement, André Mogat lui a succédé pour la partie technique et moi pour la partie administrative. J’y ai rencontré des copains. (Louis Delmas)

Lʼéquipe dirigeante de lʼécole de rugby au début des années 1980. Debout à gauche avec les lunettes : Louis Séailles, puis André Mogat. Assis, 2e à partir de la droite : Louis Delmas.


Cliché de lʼéquipe première du CA Béglais, vainqueur de lʼAviron Bayonnais par 13 à 3 en championnat de France (poule de 4) le 28 janvier 1945, à Bègles Musard
Au dos de la photo ci-dessus : dédicace de lʼéquipe à Simone Malherbe.
Equipe de Bègles championne de France minimes en 1982. Debout à partir de la gauche : Louis Delmas, secrétaire de lʼécole, puis Bayens. A droite : Louis Séailles, président de lʼécole, Bagatte, président du CA Béglais, puis Rieu, entraineur. Assis devant, à gauche : Dupas, entraîneur. Au centre avec le maillot blanc : Norbert, entraîneur et homme à tout faire de lʼécole. 2e joueur en haut à partir de la gauche : Conchy. 4e joueur en bas, à partir de la droite : Reigt.


Lʼécole de Rugby de Bègles accueille lʼéquipe allemande de Ricklingen pendant la saison 1980-1981. Debout en troisième position à partir de la gauche : Louis Delmas.









Le conseil municipal


J’ai également eu un parcours très prenant à la ville de Bègles. Socialiste, de la mouvance du socialisme chrétien ouvrier, j’ai été élu sur la liste socialiste lors des mandats de Simone Rossignol, Bernard Moncla puis de Noël Mamère. Le PS m’avait demandé de me présenter et je n’ai pas su dire non. J’ai été adjoint à Noël Mamère. Comme j’étais disponible et affable, j’ai fait beaucoup de mariages, en quantité et de bon cœur. J’ai fait ce que j’ai pu avec les compétences que j’avais. J’ai participé au CCAS.
En tant qu’élu, j’ai été membre du CCAS et du Conseil d’Administration de la résidence Manon Cormier, à la suite de Marcel Cognasse, élu du temps de Simone Rossignol.
Je garde un très bon souvenir de ma vie politique et de l’équipe municipale, sauf quand nous sommes allés chercher Noël Mamère et que les communistes ont été écartés de la mairie. Ça s’est mal passé avec certaines personnes, il y avait de la haine entre les uns et les autres. Ma femme en garde le souvenir d’un véritable cauchemar. (André Brettes)

Lʼéquipe municipale de Bègles sous le deuxième mandat de Simone Rossignol (1977-1982). Au premier rang, de gauche à droite : M. Sautour (adjoint aux Sports), Mme Loubet, Bernard Moncla, Renaud Laguillon (1er adjoint), M. Paris, Simone Rossignol, M. Mercier et André Brettes.



André Brettes, adjoint au maire, et Noël Mamère, maire de Bègles depuis 1989, lors de deux cérémonies officielles, dans les années 1990.


Mon père était forgeron serrurier et ma mère ne travaillait pas. J’avais cinq frères et sœurs. Bon élève, je suis allé à l’école de Saint-Pey-de-Castets jusqu’à quatorze ans puis l’enclume, je suis devenu forgeron. J’ai travaillé chez deux patrons, à Pujols, chez mon frère, puis à Ruch chez Monsieur Latière. J’ai voulu venir travailler sur Bordeaux car j’en avais marre d’être artisan. J’étais militant syndicaliste depuis l’âge de seize ans, on m’a dit qu’on recherchait un permanent CGT à la Bourse du Travail. C’est ainsi que je suis arrivé sur Bordeaux, à vingt-huit ans, en 1957. Ma conscience politique venait notamment de mon père qui était un peu anarchiste et avait beaucoup voyagé avec des amis comme compagnon, en Espagne, au Maroc, en Mauritanie, au Sénégal et au Brésil. La fin de la guerre a aussi été à l’origine de mon engagement : on parlait beaucoup de l’armée russe à la fin de la guerre, qui avait fait un gros travail. J’étais communiste. Je n’ai plus la carte parce que je ne peux plus participer aux réunions pour raisons de santé, mais je le suis toujours de cœur.
À la Bourse du Travail, je m’occupais essentiellement du logement. J’étais aussi, à cette époque-là, élu comme administrateur de la Sécurité sociale. Les élections avaient encore lieu au suffrage universel, ce qui a été supprimé par le général de Gaulle, c’était paritaire. À ce titre, je participais à pas mal d’organismes, aidés par la Caisse d’allocations familiales.
En 1971, je suis devenu premier adjoint au maire de Bègles, Simone Rossignol, et je me suis engagé à fond pour la ville. Nous étions deux permanents à la mairie de Bègles, le maire et moi. J’ai donc cessé mes activités à la Bourse du Travail. Madame Rossignol était communiste, comme moi. J’ai fait trois mandats. Je me suis occupé des problèmes de construction, de gestion de la SAEMCIB qui avait été mise en place au temps de Duhourquet, ancien sénateur-maire communiste. Je connais bien tous les établissements municipaux car je m’occupais aussi de l’entretien. J’allais partout où l’on nous demandait. Il a fallu une coalition de droite avec le PS pour nous sortir de la mairie. C’est comme ça que nous avons été dégommés. (Renaud Laguillon)

Délégation béglaise à Suhl, ville de lʼex-Allemagne de lʼEst jumelée avec Bègles, devant le Palais des Sports de Suhl, vers 1973-1974. A droite, les Allemands et à gauche, les Français. 6e à partir de la gauche, avec la cravate : Renaud Laguillon, puis André Brettes, et Alice Viaud.

Le départ à la retraite de René Duhourquet en 1977. Assis : Mme Duhourquet et René Duhourquet. Debout derrière, 3e à partir de la gauche : Renaud Laguillon ; 1ère à droite : Simone Rossignol.


Les foyers restaurants et le Club du troisième âge



En 1971, on m’a demandé de me présenter aux élections municipales de Bègles. Je n’avais jamais fait de politique. J’ai toujours été une femme de gauche, laïque et sociale, mais on ne me connaissait pas vraiment sur Bègles. J’avais une amie, Geneviève Querve, directrice de l’école Boileau, qui faisait partie de l’équipe de Simone Rossignol et devait prendre sa retraite. Simone Rossignol lui a demandé si elle connaissait quelqu’un, parmi les enseignants, qui accepterait d’intégrer l’équipe municipale et elle m’a recommandée. Madame Rossignol m’a alors convoquée, nous avons parlé un bon moment ensemble et nous nous sommes accordées. C’est ainsi que j’ai fait deux mandats avec elle.
En lien avec ma fonction de conseillère municipale, je me suis occupée de l’animation  des foyers-restaurants pour personnes âgées mis en place par Simone Rossignol et Geneviève Querve : Le Renard, Monmousseau, le foyer Langevin, Ambroise Croizat… On offrait aux personnes âgées la possibilité de prendre un repas « normal », équilibré, en s’inscrivant à l’avance et chacun payait selon ses ressources. Venaient des personnes qui n’avaient pas les moyens, ne savaient pas faire à manger ou bien qui ne souhaitaient pas manger seules. Simone Rossignol avait eu l’idée de proposer des animations à ces personnes l’après-midi, après le repas, et c’est ainsi que je me suis occupée de l’animation de ces foyers : je leur faisais faire des travaux manuels, j’avais une valise pleine de laine, de coton, de n’importe quoi… J’ai beaucoup aimé ça. J’allais une après-midi par semaine dans un foyer, le lendemain dans un autre. J’ai aussi participé à la création des clubs du troisième âge sur Bègles. Je me suis donnée beaucoup à ce travail-là, personnellement et pécuniairement, car il n’y avait pas de remboursement des frais d’essence au début.
J’ai le sentiment que nous avons fait avancer les choses, même si elles se seraient aussi bien faites sans moi. (Madeleine Pinaud)


Pièce de théâtre montée avec les clubs du Troisième âge de Bègles dans les années 1980. Madeleine Pinaud est devant, déguisée en marin.

Le Crédit Mutuel


J’ai créé la caisse du Crédit Mutuel à Bègles, une banque populaire. À Bordeaux-Nord, Pierre Delmares, qui faisait partie du collectif Castor, avait mis en place la première caisse de Crédit Mutuel. C’était une pièce dans le centre social. Comme je connaissais bien les fondateurs de la caisse de Crédit Mutuel de Bordeaux-Nord, je leur ai demandé de m’aider à mettre quelque chose en place sur Bègles. (André Brettes)
Les premiers locaux du Crédit Mutuel, place de la Liberté, en 1973.
Le Conseil dʼAdministration de la Caisse de Crédit Mutuel de Bègles dans les années 1970. Son président, André Brettes, est au centre.






Les comités de quartiers


Catholiques pratiquants, militants à l’Action catholique ouvrière, nous allions à l’église à Bègles. Quand nous sommes arrivés dans le quartier du Prêche en 1953, il y avait la messe dans une baraque rue André Murenne avec les Fils de la Charité, puis il y a eu la mission en roulotte, sur le terrain en friche Patachon, rue Mazagran. Ils faisaient la messe dans la grange. Monique, ma fille, avait la hauteur de passer sous la roulotte, c’était vers 1955, 1956. (André Brettes)



Nous avions beaucoup de vie collective. Quand nous sommes arrivés à Belcier, en 1946, se mettait en place l’Action catholique ouvrière. Un prêtre de Belcier, le curé Teyssier,  m’avait repéré car j’allais régulièrement à la messe. Il m’a fait rencontrer les ouvriers de la verrerie Domec, rue Léon Paillère, un boucher de Belcier, Astruc, et nous avons formé un groupe de l’Action catholique ouvrière.
Nous avons ensuite beaucoup œuvré bénévolement avec ma femme dans le quartier du Prêche. Dans l’après-guerre, les produits étaient encore difficiles à trouver et nous avons lancé, avec l’APEF, les achats collectifs, les travailleuses familiales qui aidaient les mamans en difficulté. Il y avait des machines à laver collectives. Ça a créé un lien dans le quartier. Ensuite, quand Yves Farge s’est construit, des harkis et beaucoup de familles nombreuses sont arrivés. Nous avons fait leur connaissance grâce à nos services collectifs. Il y avait une vraie vie collective. Beaucoup de femmes participaient aux groupes d’alphabétisation qu’animaient ma femme et d’autres bénévoles du quartier, avec l’aide de deux institutrices. Mais il y avait des clans, des harkis et d’autres. Les femmes ont vite évolué et leurs maris en ont pris ombrage. Ils ont empêché leurs femmes d’y aller et on a dû couper court. (André Brettes)



J’ai fait partie du syndicat de La Raze et je l’ai vu évoluer. Dans le syndicat, l’ambiance est restée la même, très soudée. Je l’ai quitté à soixante-cinq ans mais on nous a toujours invités aux sorties par la suite. Mon amie, Madame Dagorne, présidente du comité de quartier de La Raze, a publié un livre sur le quartier. Elle a succédé à son père et son beau-père en était le trésorier. Ces syndicats de quartier existaient déjà avant la guerre. Ils s’occupaient des personnes âgées, des dons aux militaires… Il y en avait dix à Bègles, un par quartier. (Simone Malherbe) 




J’étais un membre actif du comité de quartier de Birambits. Nous nous réunissions chez Madame Vigneau, notre archiviste, la mémoire du quartier, qui tenait le bistrot « La Renaissance », place de Strasbourg. Il y avait une grande salle derrière le bar chez Madame Vigneau, où nous nous retrouvions pour les réunions. Le comité était présidé par Marcel Vinant, employé des chemins de fer et jardinier. À sa mort, je lui ai succédé pendant quelques années. J’ai été président pendant cinq ou six ans. (Louis Delmas)

Réunion du comité de quartier de Birambits dans les années soixante, dans la grande salle située à lʼarrière du bar « La Renaissance », place de Strasbourg. 1er rang assis à partir de la gauche : Madame Duhourquet, René Duhourquet, Mme Bordesoulle et M. Pinaud. 2ème rang debout à partir de la gauche : Marcel Vinant, Président du comité, puis Mme Vigneau, archiviste et propriétaire du bar. Dernier rang, 2ème à partir de la droite : Louis Delmas.

Les vacances


Lorsqu’on ne travaillait pas à la sécherie de morue, on prenait souvent le bateau avec mon frère au niveau du Chiopot, un bar-restaurant réputé pour son entrecôte sur le gril, et on allait manger de l’autre côté de la Garonne. À cause du mascaret, on a failli chavirer plusieurs fois. Je fermais les yeux et ça passait. Notre bateau était amarré sur l’estey qui passait derrière notre maison. (Renée Castre)



Alors que je n’avais pas encore ma voiture, nous étions parmi les rares de la Cité du Prêche à aller à Arcachon. Nous prenions le train à quatorze heures le dimanche et nous y passions l’après-midi. Il y avait beaucoup de trains, toujours pleins, qui allaient à Arcachon à cette époque-là. Nous avions des réductions le dimanche. (Louis Delmas)



J’allais à Bordeaux pour faire des courses. Quand j’avais besoin d’acheter un béret, des vêtements pour les enfants ou des tissus pour coudre, car j’aimais beaucoup coudre, je me déplaçais à Bordeaux.
Lorsque je n’enseignais pas, les jeudis et dimanches, je cousais pour moi et pour ma fille. On ne sortait quasiment pas. Je faisais de la couture, du tricot ou le jardin. Il fallait toujours que j’aie une occupation manuelle. Pas trop la cuisine. J’allais dans les Pyrénées, d’où j’étais originaire, en vacances et j’envoyais souvent mes enfants à Oloron-Sainte-Marie car mon mari n’avait pas les mêmes vacances que moi. (Madeleine Pinaud)



Le journal Sud-Ouest avait une maison de vacances au Cap-Ferret, Plume au vent, près du phare, où nous allions régulièrement en vacances avec ma femme et mes enfants. Il s’agissait de maisons familiales et c’est vite devenu trop petit. La SIRP a participé aux travaux de réfection du centre. (Louis Delmas)



J’ai vu la lutte de mes parents en 1936. Le Front populaire a bouleversé beaucoup de choses dans le bon. Je me souviens que mes parents ont lutté pour avoir ce qu’ils ont pu avoir et maintenant, tout est perdu. Je me souviens de la joie de mes parents quand ils ont gagné les congés payés. Ma mère suivait la politique, elle était communiste, mais pas mon père. Je me souviens de mes premières vacances. Maman a loué à Andernos et nous y avons passé dix jours. Nous y sommes allés avec un bus qui partait des allées de Chartres à Bordeaux.  C’était magique, c’était la première fois que je voyais la mer. La Garonne, on la connaissait par cœur mais on ne connaissait pas la mer. On en a gardé, mes frères et moi, des souvenirs incroyables.
On nous envoyait aussi en vacances dans la famille, mes frères et moi. On allait dans la famille de maman qui avait son frère à Toulenne, dans le haut de Langon. Mon oncle et ma tante étaient d’une sévérité incroyable. À cette époque-là, pour fortifier les enfants pendant l’hiver, on donnait de l’huile de foie de morue. Pour les vacances de Noël, j’en ai vomi dans ma soupe. Mes cousines et ma marraine m’ont obligée à manger ma soupe. C’était dur. Je ne peux plus voir la morue.
J’allais aussi en vacances dans la famille de mon père, chez mon parrain. Ma tante était une femme exceptionnelle. Elle avait deux garçons. On était les rois. On était bien. Ils étaient métayers au château de Mauriac, à Saint-Symphorien. Ils entretenaient le château et la propriété. Il y avait de la résine là-bas(Annie Réglat)

Le carnaval et les fêtes de quartier

Nous avions deux fêtes à Birambits : le carnaval et la fête de quartier. Pour le carnaval, on se déguisait et on faisait la quête pour distribuer ensuite de la nourriture aux vieux et aux nécessiteux. La fête du quartier Birambits durait trois jours, le samedi, le dimanche et le lundi. Au début des années soixante, le comité de quartier l’organisait en juillet, puis nous l’avons avancée au mois de juin car toutes les fêtes de Bègles avaient lieu autour du 14 juillet. Le samedi, on ouvrait la fête, le dimanche, il y avait le vin d’honneur, une course cycliste, le Grand prix de Birambits, et une fête foraine place de Strasbourg. Un bal avait lieu chemin Bonnevie tous les soirs. Le lundi soir, on tirait le feu d’artifice. (Louis Delmas)

Carnaval de Birambits en 1964.


Louis Delmas déguisé en pompier (à gauche) lors du carnaval de Birambits au début des années soixante, route de Toulouse.
Catherine Delmas, la fille de Louis Delmas (au centre), reine de Birambits lors de la fête du quartier en 1961.


Course de trottinettes organisée lors de la fête de quartier à Birambits. Le départ est donné devant lʼemplacement actuel du lycée Pablo Néruda.

André Brettes, Président du Comité de quartier du Prêche, pour lʼinauguration du totem « morue », lors de la fête du centenaire du Comité en 2005.
André Brettes chante avec les "Jougadous".

La Poste


Peu de temps après notre arrivée à Bègles, en 1962, j’ai été recrutée à la Poste. J’y suis restée vingt-sept ans, le matin au ménage, l’après-midi au tri. J’y étais très bien. Nous étions nombreux,  on chahutait, on blaguait avec les facteurs. L’inspecteur central, Monsieur Lescure, habitait à Caudéran. Il nous a rendu de grands services.
J’embauchais à six heures le matin à la Poste mais j’arrivais toujours à cinq heures quarante-cinq. Je passais le balai et la serpillière, je faisais la poussière et quand j’avais le temps, je cirais les meubles, tout cela avant l’ouverture à huit heures. Dans la matinée, j’allais faire le ménage au domicile d’une dame qui travaillait à la Poste et l’après-midi, j’allais chez quelqu’un d’autre. Puis de dix-sept heures à dix-neuf heures, je retournais à la Poste pour faire le tri. Je ne comptais pas mes heures. (Raymonde Mercier)

A la Poste de Bègles en 1986. Le départ à la retraite de Jeannine Gutierrez (au centre). A gauche : Raymonde Mercier.


La Mairie


J’ai commencé à travailler un peu avant la guerre comme secrétaire dactylo chez un marchand de morue, Boyer et fils. Tous les bureaux étaient situés rue de la Rousselle à Bordeaux. J’y allais soit à pied, soit en tram avec le 23 qui allait jusqu’à l’église de Bègles. L’usine de Boyer et fils se trouvait à Bègles, avenue du maréchal de Lattre de Tassigny, un peu plus loin vers la mairie. Elles étaient toutes là les sécheries, il y en avait une trentaine.
J’avais des contacts réguliers avec les porteurs. La société allait chercher les morues à bord des terre-neuvas et, par les quais, ils les amenaient au grand port de Bègles puis les faisaient sécher sur des pendilles en bois deux par deux dans les usines de séchage de morues. Quand elles étaient propres à la consommation, les porteurs les livraient avec leurs charrettes plates tirées par de gros percherons rue de la Rousselle, où il y avait des entrepôts.

J’ai quitté mon travail de secrétaire dactylo chez Boyer et fils rue de la Rousselle pour entrer au service comptabilité du ravitaillement de la mairie de Bègles à la fin de la guerre. Ma belle-mère connaissait un monsieur qui travaillait au ravitaillement pendant la guerre. Tous les employés du service comptabilité sont tombés malades en même temps et ce monsieur m’a proposé un remplacement que j’ai accepté de suite pour pouvoir travailler près de chez moi. Beaucoup de personnes sont entrées à la mairie à la faveur du ravitaillement. Quand je suis arrivée, j’étais la seule à avoir le brevet. Ils m’ont gardée pendant un an et demi comme auxiliaire puis, à la Libération, les concours de l’administration ont été mis en place. J’ai donc passé le concours à la mairie, que j’ai eu sans difficulté parce que c’était facile et qu’il n’y avait pas beaucoup de candidats. J’ai débuté comme commis et terminé ma carrière comme rédacteur territorial. Dix ans après, il fallait être bachelier ou avoir une licence pour obtenir le même poste. (Simone Malherbe)


De gauche à droite : Mme Dumora, Simone Malherbe et Mlle Bousquet devant la porte de la mairie en avril 1955. Les employés de la mairie portaient tous des blouses.

Employés de la mairie de Bègles dans les années cinquante. A gauche : Simone Malherbe. Au centre, M. Amanieu « fait les cornes » à lʼappariteur, M. Delpech.


Simone Malherbe et René Duhourquet, maire de Bègles de 1959 à 1971, célébrant un mariage.



En 1926, la ville de Bègles achète le château Bellevue pour y installer la mairie.


La mairie de Bègles sous la neige en 1956.

Le Bar des Pyrénées "Chez Clairette"


Le Bar des Pyrénées existait déjà depuis longtemps lorsque je suis arrivée à Bègles en 1953, pour aider ma tante à tenir le bar. Ma tante et mon oncle étaient originaires des Pyrénées, comme moi. Entre les deux guerres, c’est une région où il y avait beaucoup de paysans. Les fils aînés restaient sur l’exploitation mais parmi les plus jeunes, nombreux sont ceux qui sont devenus cheminots à Bordeaux. Beaucoup de cheminots, traminots et retraités originaires des Pyrénées étaient clients de notre bar. Ils étaient contents, ils chantaient des chansons des Pyrénées ([beth caou de pai]/Beau ciel de Pau). Ils habitaient dans le quartier ou bien à Bordeaux, du côté de la gare. Ils venaient après le travail et pendant les jours de repos. Ricard et Pernod étaient les consommations les plus courantes.
Ma tante a rebaptisé le bar Chez Clairette après mon arrivée à cause de mon prénom Claire et parce qu’elle voulait faire de moi son héritière. C’était un café de quartier, situé rue du maréchal Gallieni, dans le quartier de La Raze, où l’on venait jouer à la belote et jouer au quilles, un jeu typique des Pyrénées. Nous avions un quillier de neuf à côté du bar, dans une grande salle, ouvert uniquement le samedi et le dimanche. C’est mon beau-père, Joseph Duprat, le mari de ma tante, chauffeur de taxi en semaine à la barrière de Toulouse, qui s’en occupait. De grandes quilles, plus grandes que les quilles de six. On les met au sol et avec une boule, il faut les faire tomber. Ils jouaient à trois ou quatre la même partie. Il y avait seulement trois quilliers à Bordeaux : un à la gare, un à Mériadeck et un chez nous. Nous organisions des concours. Des joueurs des Pyrénées venaient spécialement chez nous pour y participer. Pour pouvoir jouer, il fallait consommer. Le dimanche soir, quand ils avaient fini de jouer, je leur faisais à souper. Ils mangeaient avec nous dans la salle à manger.
Ce sont des hommes qui venaient au café mais je voyais aussi des femmes car je faisais le vin et les bières en litre à emporter. La femme d’un de mes clients, qui habitait dans la rue, m’avait écrit une lettre pour me dire de ne pas donner de Ricard à son mari. Elle était gonflée. Qu’est-ce qu’il fallait ? Que je lui donne de l’eau. Certains buvaient beaucoup et chacun payait sa tournée.
Au début de mon activité, dans les années cinquante, beaucoup de gens venaient chez nous pour regarder la télévision car ils n’en avaient pas chez eux. Pour les matchs de rugby et de foot, le café était plein. Nous avions acheté notre premier poste pour suivre le Tour de France. C’était familial. On travaillait bien. Nous faisions les repas de mariage, les communions, les banquets dans une grande salle. Nous avions une cuisine et nous prenions un cuisinier, toujours le même, qui habitait Bordeaux.
C’est le samedi et le dimanche qu’il y avait le plus de monde. Le dimanche, c’était plein. Il y avait des clients jusque dans la salle à manger pour jouer à la belote. Moi je jouais s’il n’y avait pas trop de monde et qu’il manquait un quatrième.
Nos clients étaient réguliers. C’étaient des amis. Si un jour, on ne voyait pas quelqu’un, nous nous inquiétions et prenions des nouvelles. J’ai des souvenirs précis de certaines personnes. Il y en avait un de la campagne qui nous disait des mots qui nous faisaient rire. Nous avions aussi un couple de morutiers qui venait une ou deux fois par semaine. Il n’y avait pas besoin de demander s’ils faisaient la morue, ils sentaient fort. Les clients faisaient leur tiercé et on les portait à un bar agréé, là où il y avait le Mammouth autrefois. (Claire Duprat)



La terrasse sur rue du «Bar des Pyrénées» devenu «Chez Clairette». De gauche à droite : un client, Claire Duprat, son oncle Joseph Duprat et sa tante.


Claire Duprat à lʼintérieur de son café au début des années soixante.

Claire Duprat dans la cour de son café au début des années soixante.

Le Quillier de «Chez Clairette», tenu par Joseph Duprat.
Les clients de «Chez Clairette» à lʼintérieur du bar.