Je suis née en
1910 dans le quartier de La Raze et
suis allée à l’école Berthelot où j’ai passé le certificat d’études. C’était
une école primaire avec une classe ou deux.
Quand je suis
devenue institutrice, j’ai demandé à enseigner à Berthelot car c’était tout
près de la maison. J’ai été nommée à Bègles dans une autre école. Tous les ans,
je demandais en vain ma mutation puis un jour, l’inspecteur m’a dit :
« On va vous donner le poste que
vous nous demandez depuis très longtemps. » L’un de mes anciens élèves
avait répondu sans faute à une dictée en classe supérieure et avait reçu un
prix d’honneur. Il aurait dit que c’était grâce à moi car j’étais son
institutrice. Et j’ai enfin pu être nommée à l’école des filles de Berthelot.
J’étais
passionnée par mon métier. À l’époque, on travaillait beaucoup. Je n’avais que
des filles. Il y avait deux ou trois
classes. L’école des filles et l’école des garçons étaient séparées par un
grand mur. Filles et garçons ne devaient pas se parler sinon ils étaient punis.
Mes collègues et moi nous occupions des enfants de l’âge de six à dix ans, pas
davantage. Il y avait les petits et les moyens. Pour les grands, il y avait les
classes secondaires mais on ne s’en occupait pas. L’école primaire supérieure
est arrivée plus tard, dans une pièce au fond de la cour de l’école. Avant, il
fallait aller à Bordeaux ou ailleurs.
Plutôt
que de rentrer chez moi, je mangeais souvent avec mes collègues à midi pour
être le plus possible avec les enfants. Ce sont mes collègues qui faisaient la
cuisine.
Je
devais régulièrement faire le tour du quartier pour que les enfants viennent
dans ma classe. J’allais dans les maisons demander aux parents d’envoyer leurs
enfants à l’école. J’étais très aimable et passais un moment avec eux pour les
convaincre. C’est un peu particulier comme façon d’enseigner, maintenant ce
n’est plus comme ça.
On
apprenait aux enfants l’essentiel : lire, écrire, les conjugaisons, le
calcul… Il y avait un tableau dans ma classe que les enfants n’avaient pas le
droit de toucher. Il était très précieux car bien souvent, j’écrivais une leçon
au tableau que je laissais un jour ou deux. C’était un tableau en ardoise avec
des bâtonnets de craie blanche. On faisait des lignes sur ce tableau, il
fallait s’appliquer.
Chacun
avait son cahier, ses affaires. Il y avait des tables avec un encrier, de
l’encre, le porte-plume. Il fallait faire attention. Ce sont les parents qui
achetaient le matériel de leurs enfants.
La
classe était chauffée avec un poêle à bois. Une personne de service le
chargeait. Le ménage était fait le soir après l’école, je ne m’en occupais pas.
Les
enfants étaient très surveillés et devaient faire attention. On était très
sévères. Il y avait des bons points pour ceux qui travaillaient bien. Pour être
puni, il fallait faire des choses très lourdes parce que nous n’avions pas le
temps de garder les enfants après la classe. Généralement, on les mettait au
coin s’ils n’étaient pas sages et il ne fallait pas qu’ils bougent.
Dans
la cour, les élèves faisaient un jeu ou deux, on sonnait et elles rentraient.
Elles jouaient beaucoup au ballon. Parfois, le ballon passait au-dessus du mur
jusqu’à l’école des garçons. Les garçons n’avaient pas le droit de le ramasser,
c’est le maître qui le prenait et nous le ramenait.
Je
travaillais beaucoup à l’école. J’étais vieille fille mais je n’avais pas le
temps de me divertir. Le soir, j’avais beaucoup de corrections à faire, de
leçons à préparer. Je prenais les cahiers pour les corriger. Quand je ne
travaillais pas à l’école, je travaillais à la maison, j’habitais dans une rue parallèle
à celle de l’école Berthelot. J’aidais ma mère car mon père qui travaillait aux
chemins de fer était souvent en voyage. (Albanie Laval)
Lʼécole primaire Berthelot au début du XXe siècle. Construite en 1911, elle est aujourdʼhui devenue le collège Marcelin Berthelot. |
« Les enfants de La
Ferrade étaient tous à la même école, à
Berthelot. »
J’étais
une élève moyenne mais j’ai quand même réussi à avoir mon certificat d’études.
Je me souviens de Mademoiselle Andrieu. Quand il y a eu la guerre et que
l’école a été réquisitionnée, je suis partie à l’école à Bordeaux, à Fieffé, et
mes frères sont allés à Gambetta. Là, j’ai quand même un peu mieux travaillé
puisque j’y suis arrivée, puis je suis entrée au lycée technique cours de
l’Yser où j’ai passé mon brevet.
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