Je me
suis installé comme médecin à Bègles en 1946. Courageusement, car nul n’est
prophète en son pays. Je me suis d’abord installé boulevard Albert 1er,
à côté de la barrière de Bègles. Ma mère m’avait trouvé une petite maison qui
me servait à la fois de maison et de cabinet et c’est ma sœur qui s’occupait du
secrétariat.
Après
mon mariage, en 1947, j’ai installé mon cabinet rue Marcelin Berthelot et ma
femme est devenue ma secrétaire médicale. Nous habitions rue Lauriol à Bègles.
Je
consultais tous les jours, je faisais mes visites le matin et le soir et
j’avais mes rendez-vous l’après-midi. Le dimanche et la nuit, souvent il
fallait aller voir les malades. Puis j’ai eu un accident : j’ai glissé sur
une planche au-dessus d’un trou et je me suis cassé les deux ménisques. Suite à
cet accident, une vingtaine d’années après mon installation, j’ai dû prendre
les consultations uniquement sur rendez-vous. Les patients n’attendaient pas
trop car j’étais assez ponctuel. J’avais une bonne réputation. Au début je
faisais mes tournées en motocyclette, puis j’ai eu une 125 et pour finir une
Fiat des domaines. Mes patients habitaient un peu partout dans Bègles. J’ai soigné
beaucoup d’amis qui étaient en classe avec moi. J’ai eu pas mal d’instituteurs
comme patients. J’avais aussi une grosse clientèle d’ouvriers. Une fois, le
médecin-conseil était venu et avait sous-entendu que j’avais trop de malades.
La Sécurité sociale a été mise en place aussitôt après la guerre et je faisais
des ordonnances, comme on fait aujourd’hui.
Nous
étions sept médecins à Bègles après la
guerre : Perrier, Doyar-cabal, un Basque comme son nom l’indique, il s’était
installé chez un coiffeur près de l’église, Hirsch, Fournier, rue de la
barrière de Bègles, médecin des chemins de fer – il avait son cabinet et
donnait des consultations à la SNCF
–, Dorbe, qui a été remplacé par Comte, à la Liberté, à côté de la piscine. On
ne s’invitait pas car ma femme était très sauvage mais on se réunissait dans un
café près de la gare Saint-Jean. Nous avions une salle et l’on discutait des
problèmes qu’il y avait à ce moment-là. En principe, c’est moi qui étais chargé
de coordonner les médecins de Bègles. Mes collègues n’étaient pas trop
causants.
À cette époque-là, nous n’avions pas d’antibiotiques, nous avions
des sulfamides. Nous n’avions pas non plus de diurétiques. Le premier malade
que j’ai vu avec un œdème aigu du poumon, il étouffait, il n’y avait rien pour
le soigner, j’ai dû le saigner. Je lui ai donné un coup de bistouri avec un
garrot, j’ai appuyé très fort et je l’ai saigné, saigné. Il a été sauvé, ça a
été une très grande joie.
On
utilisait également la morphine pour soulager la douleur.
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