Mon
père avait une entreprise de bâtiment à Bègles, l’entreprise Marcel Réjasse,
rue Francis de Pressensé au coin de la piscine de Bègles. Il avait créé cette
entreprise après la guerre et travaillait petitement, avec deux ou trois
compagnons. Il avait fait très peu d’études et avait besoin d’aide pour tenir
son entreprise car il faisait fréquemment de l’angine de poitrine. Il m’a
demandé de le rejoindre vers 1958. J’ai longuement réfléchi avant de laisser ma
situation – j’étais tailleur-coupeur aux établissements Thierry et Figrand rue des
Ayres à Bordeaux – puis je l’ai rejoint. Nous avons travaillé ensemble pendant
quinze ans et sommes passés du stade artisanal aux cinq étoiles de l’Office de
Qualification du Bâtiment et Travaux publics. Le nombre d’étoiles détermine la
catégorie de logements pour lesquels on peut soumissionner. Nous avions le
marché de l’entretien des bâtiments militaires de pratiquement tous les
bâtiments de la Gironde.
Mon
père, de formation professionnelle, était plâtrier. Un très bon plâtrier. Il
faisait également de la maçonnerie. Un bon artisan du bâtiment doit savoir tout
faire s’il veut un client. On a même fait les VRD, le tout-à-l’égout, par le
biais du marché avec l’armée. J’avais un laissez-passer pour entrer dans les
casernes, rue de Cursol, à Xaintraille... On faisait surtout de
l’aménagement : staff, déplacement de cloison, carrelage, enduits, plâtre
et maçonnerie. À Bègles, nous faisions uniquement de l’entretien de clientèle,
des bricoles. Si un client voulait une échoppe à Bègles, on lui faisait. Mais ça
n’était pas rentable pour nous.
Il
fallait développer l’entreprise car nous étions deux familles à vivre sur elle
: celle de mon père et la mienne. L’entreprise a rapidement pris de l’ampleur.
Mais je crois que nous nous sommes développés trop vite et que l’infrastructure
n’a pas suivi. Lorsque je suis parti, on était arrivés à un effectif
relativement important. Nous étions cent vingt. C’est mon épouse qui assumait
la comptabilité au début. Elle était secrétaire de formation et s’était mise à
la comptabilité sur le tard. Pour trois personnes, c’était possible, mais pour
cent vingt c’était plus difficile car il n’y avait pas d’ordinateurs comme
maintenant. Moi, j’étais directeur commercial mais je m’occupais de tout, de la
partie bureau, du ravitaillement des chantiers…
Mon
père a finalement recruté une secrétaire comptable pour seconder mon épouse.
Elle est devenue sa maîtresse, ce qui a semé la zizanie dans la famille. J’ai
été renvoyé par la maîtresse de mon père qui a rapidement pris le pouvoir.
C’est le plus mauvais moment de ma vie. L’entreprise a fonctionné encore deux
ans après mon départ puis il a fallu tout liquider après un redressement
fiscal. L’entreprise a été déclarée en faillite. La chute a été vertigineuse.
Le
terrain de l’entreprise était situé rue de Pressensé à deux cents mètres de la
piscine de Bègles. Un terrain que nous avons construit. Il y avait un
appartement pour le chauffeur, et le reste, c’étaient des hangars, des dépôts.
Nous avions également acheté un terrain à Cadaujac pour mettre les grues et
tout le gros matériel. Tout a été vendu par le syndic de faillite pour une
bouchée de pain. Mon père avait gardé à titre personnel sa maison des
Peintures, près de Coutras, que je lui ai rachetée pour sauver les meubles.
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